vendredi 30 janvier 2009

Les lunettes roses de ma grand-mère

Ma grand-mère portait autour du cœur une paire de lunettes roses. Des lunettes roses en forme de cœur, comme Susie Morgenstern. Elle les utilisait chaque fois que l'ombre d'une critique pesait sur un des membres de sa couvée, lorsque soudain le visage aimé se colorait d'un vilain gris ou d'un beige tristounet. Un tel était-il décrit comme un égoïste, elle le disait simplement personnel. Déplorait-on le caractère dépensier d'un autre, elle parlait de sa prodigalité. Un excès de ventre s'expliquait par un amour des plaisirs de la vie. Certes, elle était capable de voir les travers de tout un chacun, mais reconnaître leur réalité aurait été pour elle un manque d'amour. De même qu'une mère considère, dans son aveuglement, comme le plus beau des enfants un laideron, elle n'imaginait pas être critique à l'égard de ceux qu'elle rassemblait sous ses ailes protectrices.  Il est probable que dans le privé, en tête-à-tête, elle ait exprimé des reproches et donné des conseils, mais hors de ce cercle intime, elle prenait le parti de l'amour aveugle. Pessimisme béat ? Je ne crois pas. C'était une philosophie. Ayant épousé un homme pessimiste, elle avait dû saisir à bras le corps toutes les raisons d'aimer la vie et les autres, en dépit des épreuves et des défauts. 

2 commentaires:

Anonyme a dit…

Laquelle était-ce, de grand-mère?
Elle ressemble à ma Mamie...

Puissé-je être ainsi avec les miens, quand je serai plus "avancée" dans la vie.
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Anonyme a dit…

C'est mamie Jeanne!
Je l'ai reconnue, je l'ai reconnue!
Parce que Papi Henri était pessimiste...
Eh bien, je pense que même si on connaît les défauts des uns et des autres... je suis comme ça, amis, famille, même si je connais leurs défauts( et qu'ils connaissent les miens) je serais la première à les "défendre" en public :)
Et c'est vrai que Mamie est assez comme ça aussi !
Bisous